plastic boom
forbidden party
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plastic boom
pour voix, percussion & cordes (2021)
Dans Plastic Boom pour voix, percussion et sextuor à cordes, j’ai substitué la notation usuelle de figures rythmiques soumises à un tempo par une représentation proportionnelle. Au moyen du logiciel Max Msp et de la librairie Bach développé par Andrea Agostini et Daniele Ghisi, j’ai pu écrire directement sur un support faisant fi des mesures et battues pour une notation graphique ne gardant plus que les têtes de note et des lignes dont la longueur correspond à la durée. Cette représentation est ensuite lu par un curseur qui illumine les notes qui doivent être jouées simultanément, à la façon du jeu vidéo Guitare Hero. La partition a ensuite été diffusée aux musiciens en direct sur des écrans en guise de pupitre pendant les répétitions et le concert, les interprètes ayant une vidéo ou un petit programme pour travailler la pièce en amont.
Le recours à cette méthode répondait à mon souhait de travailler sur les glissandi, mais s’est révélé rapidement être également une solution ludique et d’une efficacité étonnante sur le plan du travail rythmique que je demandais aux musiciens. Les différenciations infimes dans les durées qui auraient été extrêmement complexes à transcrire et à interpréter (en particulier sans chef) avec notre notation rythmique traditionnelle se retrouvaient tout à coup très bien comprises, entendues et, moyennant un temps d’acclimatation, simple à exécuter. Le curseur correspond alors à un click visuel auquel se référer.
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Cependant dès la première répétition un tout autre paradigme est apparu : les interprètes scotchés aux écrans-partitions et répondant aux stimuli lumineux des notes illuminées par le curseur paraissaient soumis au temps autoritaire d’une machine. L’image formait une analogie saisissante avec l’aliénation aux écrans que nous vivons et que les dernières inventions numériques tel Deliveroo ou Uber, pour ne citer qu’elles, ont pu exploiter, asservissant les travailleurs au rythme d’algorithmes impalpables.
Ainsi, en cherchant à résoudre une faiblesse de la notation rythmique et à focaliser la perception sur les microvariations propre à l’organicité du jeu humain ou animal, je me retrouvais à aliéner les interprètes, soumis au présent sans cesse renouvelé du click visuel, leur retirant leur capacité d’anticipation et de représentation intérieure permise par la lecture habituelle.
Serait-ce que la dialectique entre l’immatérialité de la durée et la volonté de sa notation exacte pose ainsi le paradoxe du lien entre l’homme et la machine que notre époque soulève : l’infinité du réel et son impossible mais surtout indésirable discrétisation numérique? mais peut-être encore que le contrôle du temps est la condition première de toute forme d'autoritarisme.
durée ~ 10'
commande du festival nouveaux horizons
crée le 6 nov. 2021 à Aix-en-Provence
Diana Syrse, voix
Aurélien Gignoux, percussion
Raphaëlle Moreau, violon
Manon Galy, violon
Paul Zientara, alto
Violaine Despeyroux, alto
Aurélien Pascal, violoncelle
Max Bumjun Kim, violoncelle